Fred et Hugo sont deux Parisiens férus de mécanique, qui démontent des machines pour les remonter au goût des clients. En 2010, ils ont lancé Blitz Motocycles, un atelier de customisation de motos, basé dans le 17ème arrondissement.
Même si nous souhaiterions leur poser mille questions sur leurs motos, toutes plus incroyables les unes que les autres, nous allons tenter de rester concentré sur leur rapport au marketing digital et comment ils l'intègrent au quotidien.
Bonne lecture !
- Salut Fred, salut Hugo, comment ça va ? Fred, tu viens du monde du marketing en ligne, que tu as quitté pour celui de la mécanique. Etant donné que tu sais aussi bien que nous à quel point il est important pour les entreprises et marques d'avoir une présence sur le web, n'es-tu pas "contraint" d'y revenir par moment ?
Hello Antoine, tout va bien pour nous !
J'ai en effet "pratiqué" le marketing durant une douzaine d'années et j'ai adoré le faire. J'y ai appris beaucoup de choses et ai été un témoin privilégié de la naissance puis de l'importance qu'allait prendre Internet dans la communication. Lorsque j'ai "changé de vie", j'ai fait le pari (fou) de revenir à un savoir-faire concret, qui me permettrait de donner naissance à des objets (en l'occurrence, des motos), plutôt qu'à des "campagnes de communication", somme toute abstraites mais surtout qui permettaient (trop) souvent à leurs instigateurs de se défausser sans peine en cas d'échec (c'est la faute de l'équipe créative, c'est la faute de l'équipe dédiée à l'achat d'espace, c'est la faute de la conjoncture, etc... bref, c'est toujours la faute de quelqu'un d'autre). Et donc, quand nous avons décidé d'avoir une présence en ligne, l'idée n'était (et n'est toujours pas) d'acquérir du "follower" à tout crin mais juste de fournir aux personnes potentiellement intéressées par notre travail des infos "vues de l'intérieur" de notre quotidien (transformation d'une moto, road trip, participation à un événement).
C'est pour cette raison que 95% du contenu de notre page Facebook et de notre compte Instagram est généré par nos soins. Nous ne reprenons jamais de photos qui ne soient pas en lien avec notre quotidien. Et si une image n'est pas faite par nous (donc dans environ 5% des cas), nous créditons toujours la personne à l'origine de la photo. J'ai beaucoup de mal avec les marques qui mettent en ligne des images dont elles ne sont pas à l'origine, parce qu'elles savent que ces images font "faire du clic".
"Quand nous n'avons rien à dire, nous ne publions rien."
- Avec vos journées sans fin, parvenez-vous à sortir la tête du guidon pour vous occuper de votre communication en ligne ? Qui s'occupe de quoi ?
Hugo ne répond même pas à son téléphone (rires). C'est donc moi qui m'occupe de gérer les contenus sur notre site, notre page Facebook et notre compte Instagram. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous faisons en moyenne 2 posts par semaine, pas plus. D'abord parce que quand nous n'avons rien à dire, nous ne publions rien. Et parce que comme tu le soulignais dans ta question, les journées sont parfois (souvent) très longues et donc penser à s'arrêter au milieu d'un remontage (démontage) de moto, se laver les mains (parce qu'utiliser son téléphone avec les mains pleines de cambouis c'est plus que périlleux), prendre une photo puis la publier avec le texte qui va avec n'est pas notre priorité. Loin s'en faut.
"Pour nous, le trajet est tout aussi important que la destination."
- Comment vous y prenez-vous pour véhiculer certaines valeurs de votre métier - analyse, patience, méticulosité - à vos abonnés en ligne ?
On ne sait pas si nous cherchons à véhiculer ces valeurs au travers de nos réseaux sociaux. Ce sont plutôt les mini films que nous avons eu le privilège de faire jusqu'à présent qui nous permettent de faire passer ce genre de message : celui qui dit que rouler à 90 km/h sur des routes nationales et mettre 15 heures pour atteindre sa destination finale est pour nous plus gratifiant que prendre l'autoroute et le faire en deux fois moins de temps. Pour nous, le trajet est tout aussi important que la destination.
- La pertinence des résultats dans les moteurs de recherche, les blogs spécialisés, la vidéo et Instagram ont accru l'intérêt du public pour les motos custom, en permettant notamment au quidam d'accéder à un domaine tout de même très pointu. On peut se demander si le succès rencontré aujourd'hui par les Custom Motorcycle Builders tient de l'effet de mode ou alors plutôt d'une volonté de plus en plus marquée chez chacun de personnaliser pour se différencier. Qu'en pensez-vous ?
On imagine que c'est un peu des deux. Quand on a commencé notre activité en 2010, il n'y avait en gros que quelques garages custom en Europe. Depuis, la scène a grandi du fait notamment de certains médias qui se sont intéressés à ce monde et à leurs acteurs. De fait donc, beaucoup de gens ont pu voir des motos custom et c'est certainement en les voyant que l'envie de "rouler différent" leur a plu. Parce qu'ils ont pu voir que c'était possible. Certains se sont dits qu'ils pouvaient le faire eux-mêmes. D'autres, n'ayant pas les compétences ni les outils ont préféré confier cette tâche à des garages custom.
"On pense que si un contenu est de qualité, aussi bien dans le fond que dans la forme, il trouvera son public tout seul."
- L'onglet lifestyle de votre site web met en avant vos participations dans des documentaires, publicités et mini-films. Quelles ont été les retombées de la vidéo pour vous ?
C'est compliqué à quantifier. Mais c'est indéniablement un facteur de notoriété important. A titre d'exemple, le mini film "Riding September" sorti en 2011, réalisé par nos amis Arthur de Kersauson et Clément Beauvais totalise aujourd'hui près de 4 millions de vues alors que quand nous l'avons sorti, notre volonté était de le diffuser uniquement sur Vimeo. Toutes ces vues ont été obtenues organiquement : nous n'avons jamais acheté de campagne de diffusion (et nous ne le ferons jamais), et nous n'avons pas diffusé le film nous-mêmes sur YouTube.
Pour nous, ce qui compte n'est pas de faire un film pour assurer une présence en ligne. Il faut non seulement que nous ayons un message à faire passer mais que le résultat final soit totalement à la hauteur de ce que nous avons en tête. Sinon, nous ne le faisons pas.
On pense que si un contenu est de qualité, aussi bien dans le fond que dans la forme, il trouvera son public tout seul.
Forcer la diffusion d'un film (par le biais d'achat d'espace) ne fonctionne pas selon nous. Pas sur le long terme en tout cas.
Et on pense que les gens qui ont vu certains de nos films sentent cette authenticité dans notre démarche.
(Riding September by Arthur & Clément)
(Blitz Motorcycles by Saywho)
"Le story telling raconté par un comédien qui récite un texte pondu en agence de communication devant une caméra a fait les beaux jours du monde des médias et de la publicité dans les années 2000. [...] Notre démarche est bien différente.
- D'ailleurs, rien n'est vraiment laissé au hasard dans vos supports visuels et vidéo. Quels sont les éléments de votre travail, de votre craft que vous souhaitez absolument transmettre ?
Notre réalité au quotidien. Les mains sales, le joies, les peines, la pluie sur le visage quand on roule, etc, rien n'est mis en scène. Et encore une fois, nous pensons que les gens sont de plus en plus sensibles à cette authenticité. Le story telling raconté par un comédien qui récite un texte pondu en agence de communication devant une caméra a fait les beaux jours du monde des médias et de la publicité dans les années 2000. Mais avec l'avènement de la prise de parole par les acteurs du réel, de plus en plus de gens ont réalisé que ce genre d'histoire n'était jamais authentique et n'avait que pour seul but de faire consommer le spectateur.
Notre démarche (et celles de beaucoup de gens) est bien différente. Nous ne faisons la seule promotion que de notre quotidien au travers de nos images.
- Blitz, c'est aussi des belles collabs avec des marques comme Bleu de Chauffe, Edwin ou encore A Piece of Chic. Sur quels critères choisissez-vous vos partenaires ?
Toujours les mêmes :
- La qualité des produits fabriqués par la marque partenaire ;
- Le rapport humain que nous pouvons avoir avec eux (s'ils n'ont la même vision que nous de la vie, c'est impossible de s'entendre) ;
- Le fait que le but de ces partenariats n'est pas de devenir riche mais de nous permettre à Hugo et moi-même d'exprimer nos besoins en termes de sacs, de vêtements, d'accessoires, etc.
(A piece of Chic x Blitz Motorcycles)
(Bleu de Chauffe x Blitz Motorcycles)
- La 4ème révolution industrielle est en marche : digitalisation, robotisation, Big Data, drones, impression 3D, etc. Quel impact pour votre secteur à moyen-long terme ?
Possiblement dans le fait de réaliser des pièces via une imprimante 3D. Nous l'avons fait en 2013 pour un projet sur une BMW et nous avons été les premiers à utiliser en conditions réelles le réservoir que nous avions fait imprimer en 3D. Comprendre : ce réservoir imprimé n'a pas servi de moule pour faire fabriquer ensuite un réservoir "fonctionnel". C'est bien ce réservoir qui a été installé sur la moto, mis en essence et qui a permis à la machine de rouler. Mais c'est un procédé qui reste encore onéreux.
- Enfin, est-ce qu'il y a des partenariats ou des événements que vous pouvez déjà annoncer pour 2017 ?
Nous allons travailler avec la marque australienne de chaussures "RM Williams" (qui existe depuis 1932) : nous sommes en train de finaliser une moto pour eux et de leur côté, ils sont en train de fabriquer une paire de bottes de moto issue de nos envies.
Il y aura aussi un pull en laine "sous-marinier" fabriqué par la marque allemande "Heimat" qui utilise des métiers à tisser des années 40.
Et un projet moto sur une base que nous n'avons encore jamais travaillée et qui sera inspiré par l'univers des années 80 mais il est encore trop tôt pour en parler :-)
On s'en réjouit déjà en tout cas ! Merci pour vos réponses, bonne continuation et bonne route !
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The power of heads and hands | Fred Jourden | TEDxEMLYON
360° Géo: Paris, Blitz Motorcycles Documentaire (2014)